L’art, un jeu d’enfant ?

Atelier d'argile de Alexia B. pour Maison Gutenberg

© Atelier « Toucher et sculpter l’argile » de Alexia B.

 

Depuis 2023, Maison Gutenberg se met au service des tout-petits en crèche afin d’accompagner l’éveil à l’art, par l’art. À Lyon et Marseille, les artistes Alexia B, Stéphanie Buiguez, Charlotte Develter et Henri Lamy ont imaginé, chacun et chacune à leur manière, un dispositif immersif adapté aux bébés pour nourrir les sens et accompagner cette première plongée dans le monde artistique, favorable à la construction cérébrale et à l’équilibre émotionnel.

N’est-il pas captivant de regarder un bébé regarder ? Ou bien d’observer un bébé en train d’écouter ? C’est le postulat de la psychologue clinicienne spécialisée dans la petite enfance Sophie Marinopoulos — qui s’intéresse à l’art et la culture chez les tout-petits. Les bébés sont des êtres de culture qui doivent être nourris de ce monde du sensible qui les alimente et qui les aide à grandir. Bien avant le langage, c’est par la sensorialité que les petits prennent lien avec l’extérieur. Loin de l’idée d’en faire un bébé compétent — mais bien un enfant curieux et heureux, l’éveil artistique en crèche se place là. C’est au travers de résidences d’artistes dans neuf crèches différentes, réparties entre Lyon et Marseille, que Maison Gutenberg poursuit le projet de décloisonner les frontières entre l’art et les publics, en proposant aux enfants en bas âge une rencontre privilégiée entre artistes, enfants et personnels. Le personnel se voit endosser un nouveau rôle auprès de l’enfant, faisant alors équipe avec lui pour créer un type d’interaction par l’art qui favorise une relation basée sur l’échange, l’écoute, et la co-création. L’accompagnant devient un guide bienveillant qui soutient l’expression individuelle des tout petits.


Admirative de la capacité des bébés à se saisir des expériences qu’on leur présente, à reconnaître la beauté d’un geste, le rythme d’un morceau de musique, la douceur d’un matériau, Maison Gutenberg s’est alliée d’artistes concernés par le domaine de l’enfance et de la médiation culturelle pour développer un programme d’ateliers artistiques protéiformes et inspiré de l’art contemporain. Pas à pas, au travers des thèmes de la lumière (celle qui éclaire, par définition celle qui rend visible le monde) et de la trace (qui s’inscrit dans une sphère plastique en sollicitant la matière à travers plusieurs formes et techniques), les enfants guidés par l’artiste plongent dans une découverte poétique du monde qui les entoure…


Images, son, matières et textures — Alexia B, Stéphanie Buiguez, Charlotte Develter et Henri Lamy usent de tous les médiums comme points de départ à la création, au jeu et à l’expérience des émotions. Convaincus que ces petits humains qui ont besoin de narratif n’en sont pas moins exigeants, un point d’honneur est mis à la qualité du matériel proposé. Alexia explique d’ailleurs : “L’idée est de les encourager à avoir leur propre créativité en leur donnant les moyens d’explorer — avec quelques éléments, souvent issus du recyclage, sans trop en mettre car l’enfant ne saurait pas où donner de la tête. L’enjeu est aussi de le surprendre avec du matériel qu’il n’a pas l’habitude de voir, en détournant l’objet de son utilisation initiale. On ne travaille pas sur tables et chaises, mais au sol, sur de grands formats, pour respecter le développement de l’enfant qui à ce stade se joue dans la motricité. C’est un espace qui leur appartient.”


C’est une pédagogie bien particulière que l’artiste privilégie. Ici, l’adulte n’est là que pour accompagner. Il devient observateur de la scène : “on n’intervient que s’il y a danger, ou pour encourager l’enfant dans son exploration. Il peut d’ailleurs y avoir des moments de flottement au début d’un atelier, c’est normal, le temps que le groupe se saisisse des médiums proposés. L’enfant est un chercheur, et c’est en cela que le fonctionnement de l’artiste est similaire — dans l’utilisation détournée de l’objet, dans le test, dans la recherche… le rendu ne m’intéresse pas.”  Dans cette dynamique inspirée de l’art contemporain : aucun enjeu de résultat. Mais une attention est portée à la mise en scène, à l’esthétique graphique des activités, et aux thématiques proposées — souvent en lien avec un matériau à ausculter. Et comme la création finale importe peu, l’artiste s’attache au travail de documentation et d’archivage photographique comme excellente manière de retranscrire aux familles le contenu des ateliers, et d’en garder une trace poétique : “c’est vraiment beau de voir l’enfant se saisir de l’art, et très émouvant par moment. On observe aussi à quel point, même des publics a priori turbulents, arrivent à se concentrer parfois une heure sur un atelier, alors qu’ils sont tout petits.”


Il est étonnant d’observer ce qu’un objet d’art peut dire aux enfants. Dépourvu de toute raison, affranchi du beau, il exprime autre chose du monde, auquel les tout-petits sont parfaitement sensibles. Et comme le prosifie joliment Sarah Mattera (directrice artistique du centre d’initiation à l’art Mille Formes à Clermont-Ferrand) : « l’éveil artistique nourrit la capacité à échanger les sens : à voir avec la peau, à écouter avec les yeux ».


— Article écrit par Louise Grossen pour Maison Gutenberg

 

 Pour aller plus loin

 

Émission la culture au berceau sur radio france 
– Rapport de Sophie Marinopoulos
– L’éveil culturel, Télérama
– Les livres d’initiation à l’art de Marie Sellier

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